Les prémices d’une professionnalisation du métier de lobbyiste voient le jour en Tunisie et c’est à l’Université Centrale que cet enseignement sera dispensé. Une stratégie universitaire inédite que Khaled Ghedira, Docteur en intelligence artificielle, ingénieur émérite et Recteur de l’Université Centrale, nous a dévoilé à l’occasion du lancement du Short MBA « Lobbying et Diplomatie économique ».
Mastodonte de la connaissance scientifique, Khaled Ghedira est un ingénieur avant-gardiste qui a commencé une carrière internationale très jeune. Après avoir décroché ses diplômes à ENSEEIHT Toulouse, à l'École nationale supérieure d'informatique et de mathématiques appliquées (ENSIMAG Grenoble) et à l’Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace (L'ISAE-SUPAERO Toulouse), où il devient enseignant-chercheur puis Directeur des Recherches à l’Institut d’Informatique et d’Intelligence Artificielle à l’université de Neuchâtel en Suisse. Il interviendra également à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) puis, en 1995, il occupera le poste de consultant expert chez British Telecom, en Angleterre.
En 1997, il rentre définitivement en Tunisie et lance plusieurs structures (unités et laboratoires) de Recherche tout en mettant en place de multiples collaborations. De 2002 à 2008, il occupe le poste de Directeur de l’École nationale des sciences de l'informatique de Tunis, puis, de 2011 à 2014, il devient Directeur Général de la Cité des sciences de Tunis. De 2014 à 2017, il a dirigé l’Agence Nationale pour la Promotion de la Recherche scientifique en occupant parallèlement le poste de Président du Conseil d’Administration de l’Institut de la Francophonie pour l’Ingénierie de la Connaissance (IFIC-AUF).
Docteur en Intelligence artificielle, Khaled Ghedira, est aussi Président fondateur de l’Association Tunisienne d’Intelligence Artificielle (ATIA). Auteur de 500 publications dans le domaine des TIC, il a été auteur 4 livres et co-auteur d’une dizaine en France et en Angleterre et encadré plus de 80 thèses. C’est encore lui qui a fondé le Village des Sciences de Tataouine jumelé sur la Cité des Sciences de Tunis, une réalisation pour laquelle il est très fier.
Recteur de l’Université Centrale de Tunis
En septembre 2017, Khaled Ghedira est débauché du secteur public pour occuper le poste de Recteur de l’Université Centrale de Tunis, membre du premier réseau privé panafricain d'enseignement supérieur, Honoris United Universities, une affiliation dont le but est d’ouvrir la voie à une nouvelle génération de leaders africains.
« Mon objectif de travail est de briser les aprioris que se font les citoyens sur les universités privées en pariant sur la qualité et la rigueur de l’enseignement. Nous voulons avoir les meilleurs enseignants possibles pour assurer la meilleure qualité possible des formations de notre université. Nous ne faisons pas payer les diplômes mais plutôt la formation », a-t-il déclaré en évoquant l’ouverture à l’international de l’Université Centrale.
C’est dans ce sens que l’établissement a signé plus de 150 conventions avec des entreprises pour favoriser l’employabilité de ses étudiants. « Nous les aidons à ne pas compter sur des postes dans le secteur public. Nous les préparons au monde de l’entreprise grâce à des modules sur l’entrepreneuriat, des cours de développement personnel et en les familiarisant avec les soft skills pour qu’ils apprennent à se vendre. L’apprentissage de la langue anglaise et française est également fondamental pour le futur de ses étudiants », a-t-il expliqué en abordant le concept de pédagogie inversée/active adoptée à l’Université Centrale.
Grâce à ses compétences internationales en communication, à une certaine influence et aisance dans les relations publiques, Khaled Ghedira dispose d’un carnet d’adresses très étendu. Lobbyiste en faveur de l’université centrale et lobbyiste en faveur de la Tunisie lorsqu’il se déplace à l’étranger, il s’appuie sur une bonne connaissance des cercles d’influence à l’échelle européenne et sur la constitution de vastes réseaux.
Il a d’ailleurs annoncé qu’il rencontrera très prochainement l’ancien premier ministre français, Dominique de Villepin et l’ancien ministre Jean Pierre Chevènement, ainsi que d’autres éminentes personnalités pour les inviter en tant que conférenciers à l’Université Centrale de Tunis. L’ancien ministre de la Défense, Ferhat Horchani, a rejoint l’établissement pour diriger l’Ecole de droit et de Sciences politiques.
Fort de son expérience internationale, Khaled Ghedira a également évoqué un projet de Café culturel et scientifique au sein de l’Université pour 2019. L’idée est d’inviter des professionnels et des académiciens de renom pour débattre dans une ambiance conviviale de thématiques d’actualité. Autres nouveautés évoquées, l’Université Centrale lancera en janvier 2019 son propre incubateur de startups comme cela se fait au sein des plus grandes universités internationales.
Le MBA Lobbying et Diplomatie économique
Il s’agit d’un Short MBA qui sera officiellement lancé le 20 décembre 2018 et dont l’enseignement débutera en janvier 2019. La formation se divise en 3 cycles : Lobbying et stratégies d’influence, Veille et Intelligence économique, Méthodologie appliquée et Moyens d’actions pour la Diplomatie économique.
Interrogé sur cette formation inédite et totalement apolitique, Khaled Ghedira a expliqué qu'« avant de lancer ce projet, nous avons regardé le référentiel métier et le besoin national et international. Ce MBA répond à une volonté d’ouverture de l’Université Centrale sur le monde socioéconomique, sociopolitique et diplomatique ». La formation s’adresse d’ailleurs à un public large allant des hauts cadres, aux diplomates, politiques et membres de la société civile.
Le cercle diplomatique tunisien est partenaire institutionnel de ce MBA, l’UTICA et le ministère des Affaires étrangères seront certainement de la partie. Les intervenants qui enseigneront le MBA seront des experts, des anciens ambassadeurs et anciens ministres tunisiens et européens.
Bien qu’en Tunisie le lobbying ait une connotation négative faisant souvent appel aux théories du complot, il n’en va pas de même à l’international où cette activité est professionnalisée et où le métier de lobbyiste signifie être le représentant des intérêts d’un État ou entreprises moyennant une stratégie ou des actions d’influence.
L’enseignement supérieur public et privé : main dans la main pour des partenariats privilégiés
Khaled Ghedira milite avec ferveur pour la mise en place de partenariats universitaires Public/Privé. Pour lui, l’enseignement supérieur public doit travailler main dans la main avec le privé pour créer une synergie dont le profit reviendra à l’étudiant et par conséquent au pays. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’un partenariat public/privé a été noué entre l’Université Centrale de Tunis et l’Université virtuelle de Tunis et ce, pour lancer entre autres des formations conjointes en ligne.
« Il y a quelques années, les parents nantis envoyaient leurs enfants à l’étranger ce qui constituait une fuite de devises énorme. Les professeurs et enseignants tunisiens sont compétents, d’ailleurs ils sont souvent invités à l’étranger pour donner des formations », a-t-il assuré, ajoutant que nous avons aujourd’hui « la possibilité d’éviter cette fuite de devises en passant par l’enseignement supérieur privé. Il faut cependant une volonté de l’Etat pour que cela fonctionne de manière optimale».
Pour conforter le potentiel de l’enseignement universitaire privé en Tunisie, Khaled Ghedira suggère la tenue d’un cahier des charges strict en plus d’audits semestriels ou trimestriels pour faire le suivi des enseignements dans les universités privées. « C’est ainsi que l’on retiendra l’élite des universités supérieures privées », a-t-il fait savoir.
A propos de la théorie de la fuite des cerveaux
« Il faut laisser les gens partir à l’étranger car par la suite ils vont former des réseaux et revenir en Tunisie pour en faire profiter leurs compatriotes. Le fait de dire « ne laissez plus les Tunisiens partir à l’étranger » est une grosse erreur. Il faut les laisser partir mais aussi et surtout les aider à revenir », a martelé Khaled Ghedira pour qui la théorie de la fuite des cerveaux est erronée et au contraire bénéfique si elle est bien gérée de bout en bout.
A propos de la multiplication par 16 des frais d’inscription des étudiants extracommunautaires dans les universités françaises, il a nuancé ses explications. « Cette multiplication est énorme. Si je suis égoïste je peux dire que cette nouvelle politique française est une aubaine pour les universités privées tunisiennes comme l’Université Centrale de Tunis mais la diversité de la formation, la richesse culturelle et l’ouverture à l’international sont et resteront primordiales et importantes pour le réseautage et pour l’économie. D’un autre coté, je ne suis pas sûr que les universités françaises accepteront cette réforme puisque plus de 50% des chercheurs en France sont des étrangers».
« La Tunisie est le premier pays d’Afrique dans le domaine de la Recherche du point de vue quantité rapportée au nombre d‘habitants. L’idéal serait de créer des pôles de compétitivité regroupant les universités publiques, les universités privées et les entreprises », conclut Khaled Ghedira.
ILBOURSE